Hilton Canopy Cannes
client : SDPNE Hôtels, PH-I&M
année : 2023
chef de projet : Frédéric Alzeari et Benjamin Robert
lieu : Cannes
collaboration : Viriato, CAA
crédits photos : Yannick Labrousse, H Lagarde
Concevoir un hôtel, réhabiliter un ancien immeuble qui a traversé les âges, c’est avant tout beaucoup de soucis. Il faut concilier les contraintes économiques, logistiques, techniques, programmatiques, réglementaires… Et quand on pense y être enfin parvenu, le travail ne fait en réalité que commencer. Reste encore à imaginer le principal : ce qui se voit ! J’aime bien sûr ce moment, déroutant mais addictif, de la page blanche. Non que l’on ne parte de rien ni de nulle- part lorsqu’on conçoit l’identité d’un nouveau lieu de vie ; au contraire, nous sommes toujours à l’affut de la piste historique, de la réminiscence humaine ou culturelle, de la légende urbaine sur laquelle rebondir et fabriquer un nouvel imaginaire. Mais vient ensuite le temps de la sélection, de la composition, de la nuance, du pas de côté, du parti- pris, assumé et arbitraire, qui échappe à la logique, à la référence, à la répétition, au systématisme, et à l’ennui — soit à tout ce que l’on ne veut pas ou plus avoir à subir à l’hôtel. Passé composé et futur réinventé fusionnent en une boîte à outils grammaticale indispensable pour le designer que je suis.
Pour l’hôtel Canopy, on y trouve quelques pages de l’histoire hôtellière de cet immeuble Art Déco des années 30, quelques illustres personnages tel que Lord Brougham — l’Anglais qui tomba amoureux de Cannes —, quelques savoir-faire d’exception qui font la fierté de la région, tel que la poterie, largement mise en valeur dans le café. Dans la boîte à outils, siège aussi en bonne place Nathalie, qui incarne à elle seule les aspirations passées et futures de cet hôtel qu’elle rachète il y a plus de vingt ans. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois dans son appartement parisien, au milieu de ses œuvres, devrais-je dire de sa collection, aussi personnelle qu’éclectique. L’idée de faire infuser l’art contemporain, d’introduire la notion de collection, d’imaginer des « chambre du collectionneur » a fait son chemin au fil de nos échanges. L’art et l’hôtellerie ne font pas souvent bon ménage. Les goûts et les couleurs sans doute, mais peut-être aussi le manque d’audace et de prise de risques, bref on ne s’improvise pas collectionneur. L’envie d’introduire une série d’œuvres originales dans chacune des 121 chambres de l’hôtel ne fut pas une lubie de dernière minute. Ce fut le point de départ et l’essence même du concept : l’offrir aux visiteurs d’une nuit, initier la surprise, provoquer l’étonnement, en découvrant ces compositions artistiques intégrées à l’agencement. Le choix de privilégier principalement une génération émergente d’artistes de tous horizons, participe à rendre la chambre résolument contemporaine et vivante, en mouvement, tirée vers l’avenir. Que notre design puisse faire émerger la commande et l’installation d’une diversité aussi originale et expressive de créations, donne un sens tout particulier à notre pratique qui s’apparente souvent plus à celle de passeur, de trait-d’union, que de décorateur — ce que nous sommes aussi. Je suis reconnaissant envers tous les artistes, le jury, Haily, Frédéric et Benjamin dans mon équipe, Nicolas et bien sûr Nathalie, sans qui cette énième complexité n’aurait pu aboutir.
Ramy Fischler