Colombie
client : Privé
année : 2012
chef de projet : Frédéric Alzeari
lieu : Paris
crédits photos : Paul Graves / N Millet
En 1931, l’architecte Jean Walter livre un ensemble résidentiel haut de gamme, avant de construire l’hôpital Beaujon de Clichy et de se reconvertir dans la géologie – il découvrira un gisement de plomb et de zinc au Maroc, fera fortune et laissera, entre autres, une collection de tableaux impressionnistes qui fait encore les beaux jours du musée de l’Orangerie.
Plus de quatre-vingts ans se sont écoulés sans que le paquebot qu’il a ancré aux portes du bois de Boulogne ne prenne une ride. Celui-ci demeure en retrait, ses jardins suspendus sur les toits terrasses flottent toujours dans le ciel de Paris, les famille dorées se succèdent toujours côté façade, tandis que le personnel circule discrètement dans la cour intérieure. Les histoires singulières se poursuivent donc, comme celle de Ramy Fischler, jeune designer arrivé par un heureux hasard à la tête du chantier d’un pied-à-terre en rez-de-jardin.
Entre tradition et contemporanéité
L’endroit est un peu sombre et très classique, avec ses pièces de réception en enfilade, les plus intimes en retrait. «Les propriétaires voulaient un appartement parisien, mais d’aujourd’hui», explique le designer. Un dégradé de blanc, appliqué sur les boiseries de différentes époques afin de les homogénéiser, constituera le premier pont. Plusieurs techniques seront testées, à l’aérographe notamment, avant de revenir au bon vieux procédé du fait main. Le jeu d’équilibre s’est poursuivi autour du travail sur le staff, avec des rideaux sculptés sur certains murs qui entretiennent le dialogue entre hier et aujourd’hui, entre tradition et contemporanéité. Ainsi, lorsque le parquet Versailles s’interrompt, le motif est repris, gravé dans le sol en résine.
Le souci du détail et de le cohérence
Le chantier s’est ainsi transformé en laboratoire. Les artisans ont repoussé les limites de leurs techniques, se lançant des défis, travaillant avec le designer comme si, dans chacunes des pièces, il fallait se préoccuper du moindre détail, pour parvenir à un résultat global cohérent, et donner de l’épaisseur aux différentes périodes. Les échanges entre les deux époques se poursuivent dans les pièces plus fonctionnelles, en échos fantomatiques, comme dans le couloir «sans fin» que le designer a voulu faire disparaître en l’habillant de la même manière que la cuisine. Un passage vers un autre monde qui brouille les repères et donne l’impression d’évoluer dans de la 2D jusqu’à ce que, assis à la table de Warren Platner, on perçoive enfin le 3D. Nul élément d’éléctroménager n’interrompt la blancheur de la pière. Tout est dissimulé. Bienvenue dans le XXIe siècle où les réminiscences du passé se plaisent encore à danser avec les savoir-faire.
Sophie Pinet, Mai 2013 – AD n°116